Hewlett ou Texas ?
Lorsque l’apparition du (ou de la) HP 41C change la donne
L’article paru dans la revue Science & Vie en janvier 1980 (
S&V,
n°748) dresse le tableau comparatif des machines Hewlett-Packard et
Texas Instruments au regard de leurs potentialités.
La programmation du calcul de la valeur transcendantale π est
utilisée pour tester la précision des machines selon les
marques. Rappelons que π et infini. Texas Instruments
l’emporte malgré un encombrement plus grand en termes
d’espace mémoire utilisé, une souplesse moins
grande en terme de programmation (notamment à cause du
système d’encodage), pour une différence finale de
9,99 EE 10.
Lesquelles de ces fabuleuses machines sont les meilleures ? Et sur
quels critères ? La question reste en suspens à la fin de
l’article si l’on considère tous les arguments.
L’apparition de la HP-41 C dans Science & Vie
Alors que le HP-41 C est livré aux Etats-Unis en août
1979, il n’apparaît en France qu’en novembre de la
même année. (On utilise indifféremment le ou la
devant HP 41C). Commercialisée en novembre 1979 en France, la
revue
Science & Vie en
donne un bref aperçu dans le numéro 746, mais ne
l’intègre dans les articles sur l’astronomie
qu’à partir de décembre 1980, soit près
d’un an plus tard. Auparavant, il s’agit plutôt de
petits programmes écrits pour les versions HP 33 E et HP 34C.
Après la présentation au moment de sa sortie, ce
n’est qu’en septembre 1980 que l’on voit
apparaître les publicités concernant cette machine. Le
système est alors complet, autour du HP-41 C : on trouve le
lecteur de codes barres, l’imprimante et les nombreux modules
enfichables. Les rendez-vous de la calculette de l’astronome ne
concernent pas cette machine, la plupart des programmes sont
écrits pour les HP-33 E et HP-34C en ce qui concerne
Hewlett-Packard. Chez Texas Instruments, les programmes sont
rédigés pour les TI-57, TI-58 et TI-59.
Le fait qu’en France, la concurrence en matière de
machines est à peu près nulle laisse
l’entière place à ces deux fabricants. Commodore et
Sinclair n’ont qu’un faible écho. Casio
n’existe quasiment pas. Il faudra attendre l’arrivée
de la Sharp PC-1211, programmable en langage BASIC pour voir se
profiler une sérieuse concurrence qui débouchera à
terme, pour un certain public, vers un engouement pour les
micro-ordinateurs de type Sinclair ZX 80 et autres.
Dans le numéro de décembre 1980 (
S&V,
n°759) un article porte sur une comparaison entre quatre
modèles de machines. Il s’agit de la japonaise Sharp
PC-1211, de la texane TI-58/59, et des Hewlett-Packard HP-67 et HP-41C.
Cet article prolonge un article précédemment
publié en août 1980 (
S&V,
n° 755) qui faisait état des possibilités de calculer
des grands nombres. Les lecteurs attentifs se sont
précipités pour apporter leur contribution qui fut
l’objet de cet article.
En second plan, il s’agit d’offrir un panorama des
modèles les plus évolués à cette
époque. L’argument sera de faire réaliser le calcul
du nombre π avec le plus de décimales possible par chacune
des machines, l’utilisateur étant amené à
faire son choix à partir de critères dépassant la
simple capacité de la machine. Par exemple, les HP sont mieux
mais plus chères. D’autre part, il s’agit de montrer
que ces machines sont capables de travailler longtemps.
À partir d’un algorithme de base, Renaud de la Taille
propose un programme pour chaque modèle et en fait un tour
d’horizon.
La TI-58 arrive en tête « pour le prix, c’est celle
qui offre, et de fort loin, le plus de possibilités ». Il
s’agit d’une « machine subtile dont les
capacités dépassent les indications du manuel ».
Elle est plus rapide et fournit la liste de 507 chiffres en 87 heures.
Par contre l’article soulève des difficultés
à la programmation, et le manuel n’est pas là pour
améliorer l’information technique.
La TI-59, grande sœur de la précédente contient
deux fois plus de mémoire et la possibilité
d’enregistrer les programmes sur cartes magnétiques.
« Cet appareil est maintenant d’une bonne fiabilité
» et les résultats affichés « sont presque
toujours justes » étant donné que la machine
travaille en interne sur treize chiffres. La capacité
mémoire n’est pas un critère retenu bien que cette
calculatrice permette de calculer 1287 chiffres en 24 jours.
La comparaison est ensuite faite avec les Hewlett-Packard. En premier
lieu, la HP-67 reste « un bel objet entre les mains ».
C’est une machine fiable, solide, massive, qui visiblement
remporte le premier prix aux yeux de l’auteur. Elle est «
facile à programmer » et sa capacité de programme
est mise en avant, bien qu’elle soit très
inférieure à celle de la TI-59. Par exemple, les deux
programmes sont relativement aussi gourmands, avec respectivement 161
lignes pour la HP-67 et 154 pas pour la TI-59. Une formulation
rhétorique subtile permet d’inverser la prétendue
« lenteur » de la machine. S’il est vrai que la HP-67
exécute 250 chiffres en 28 heures alors que la « Texas
» met 21 heures pour accomplir le même résultat,
l’amélioration du programme permet de descendre à
14 heures. En conséquence, et moyennant une maîtrise plus
poussée de la technique de programmation, la HP-67 est beaucoup
plus rapide que la « Texas ».
Aucune conclusion n’est donnée sauf que la Sharp PC-1211
ouvre des perspectives plus larges car plus simples
d’utilisation, mais pour un résultat modeste de 1650
chiffres en 38 jours. Le langage BASIC offre des possibilités
très vastes, laissant cette machine le soin de conclure pour
l’auteur. Le tableau ci-dessous reprend les
éléments clés :
Modèle |
Sharp PC-1211 |
HP-67 |
HP-41C |
TI-58 |
TI-59 |
Nb chiffres (n) |
1650 |
250 |
3600 |
507 |
1300 |
Temps en heures (tps) |
912 |
28 (14) |
1440 |
87 (21) |
576 (21) |
Prix (px) (FF 1980) |
1300 |
2100 |
2830 |
595 |
1300 |
ratio n/tps |
1,80 |
8,92 |
2,50 |
5,82 |
2,25 |
ratio px/n |
0,78 |
8,40 |
0,78 |
1,17 |
1,00 |
Le tableau et le calcul des ratios montre que la machine la plus
chère reste la HP-67 alors que la Sharp est de loin la plus
économique. En revanche, pour ces deux modèles, le ratio
s'inverse lorsque l'on cherche le meilleur rendement. La HP-41C arrive
avant les Texas pour ce qui est du rapport entre le prix de la machine
et les possibilités en termes de quantité de chiffres
produits. Si l’on s’intéresse au rapport entre le
nombre de chiffres produits et le temps pour exécuter ce
travail, le meilleur rapport est décerné à la
HP-67, puis à la TI-58. La Sharp est la machine la plus lente.
S’agit-il vraiment d’un critère important dans le
choix d’une machine ?
Ce tableau pose un problème de comparaison car aucun terme
n’est équivalent. Une bonne comparaison aurait du porter
sur le temps mis par chaque machine pour trouver le même nombre
de variables, comme les 250 chiffres que produit la HP-67, alors
qu’ici nous touchons aux limites de chaque machine. Car, il faut
comprendre que plus la machine cherche de nombre
éloignés, plus le temps passé s'accroît. Il
n'est pas du tout sûr qu'une Sharp mette plus de temps à
calculer les 250 premiers chiffres.
Bien évidemment, la rapidité de chaque modèle
dépend de la rapidité de l’horloge, mais aussi des
compétences en matière de programmation. Partir sur la
recherche des limites des machines n’est pas la même chose
que celle sur la rapidité à l’exécution.
Bien qu’il soit écrit que la HP-67 était rapide et
que la HP-41C était deux fois plus rapide, ces
éléments ne sont pas directement accessibles au lecteur
par comparaison immédiate.
Bref, voilà le genre d’articles proposés au
début des années 1980 visant un public n’y
connaissant rien, mais cherchant tout azimut les moyens les plus
objectifs de choisir son modèle, sachant que le prix intervient
à un moment donné.
© Noël Jouenne, octobre 2007