En 1978,
André Warusfel et ses
deux compagnons, Didier Guérin et Pierre Vaschalde,
écrit
dans l'introduction du livre Le
calculateur programmable de poche et ses jeux
(Hachette, 1978), "un film a même montré un
ingénieur programmant l'élimination sans risques
de sa
femme sur un HP 65". Ce film n'est autre que l'ordinateur des pompes
funèbres, de Gérard
Pirès, dont il sera question ci-après.
L'arrivée d'un objet technique de pointe, le
micro-calculateur
HP 65, en 1974, va renforcer l'impression du pouvoir de la machine sur
l'homme grâce ici à la miniaturisation. Dans ce
film, le
progrès technique est montré dans la
foulée de la
sortie de la calculatrice programmable. Une aubaine pour
Gérard
Pirès qui utilise cet objet pour renforcer son propos. Car
dans
l'ouvrage de Walter Kempley, écrit à la fin des
années 1960, il n'est pas question de calculatrice de poche,
mais de l'arrivée de l'ordinateur dans l'entreprise. A cette
époque, l'informatique perce et avec elle toute
l'incertitude de
ces capacités réelles. Ici, se mêle
l'imaginaire de
l'objet technique dépassant l'homme pour produire un effet
de
quasi science fiction.
L'observation des séquences d'images laisse entrevoir le
côté improvisé de l'utilisation de la
machine. En
générique de fin, l'auteur n'oublie pas de
remercie
Hewlett-Packard France pour son aide précieuse. Nous pouvons
penser qu'il s'agit d'un film promotionnel pour Hewlett-Packard. Car
cette calculatrice (calculateur à l'époque) sera
une
véritable vedette aux côtés d'acteurs
pourtant
célèbres. Jean-Louis Trintignant est l'acteur
principal
jouant le rôle de Fred, un informaticien travaillant dans une
entreprise d'assurances. Contre toute attente, il met en avant les
"nouveaux" pouvoir de l'ordinateur et les capacités de
l'analyse
statistique dans la prévision des
décès en
fonction d'un certain nombre de facteurs agravants comme le tabac,
l'alcool, etc. Fred va se servir de l'informatique et de sa
calculatrice programmable pour effectuer in situ des relevés
qu'il incorpore dans sa machine.
On peut voir le HP 65 de
nombreuses
fois aux côtés de l'acteur, dans ses mains ou sur
son
bureau. Le générique utilise lui-même
l'écran d'affichage du HP 65.
Les premières
images mettent
en scène la calculatrice. Ci-dessus, le nom du producteur
Raymond Danon apparaît sur fond noir, seul l'affichage rouge
du
HP 65 tourne visiblement sur un programme ou exécute une
fonction. Après une dizaine de minutes, Fred trouve la
solution
pour se débarrasser de son impossible femme. Au cours d'une
réunion, il découvre le moyen
d'améliorer les
chances de décès grâce à
l'analyse des
facteurs à risque. Le lendemain, il entre dans son bureau et
demande à sa secrétaire : où est mon
HP 65 ?
Celle-ci ouvre le tiroir de son bureau et l'on peut voir un travelling
en gros plan sur la machine.
Notons qu'en 1976, c'est
la
première fois que la calculatrice HP 65 apparaît
sur
l'écran. Beaucoup de personne ignorent même son
existence
et découvrent enfin l'objet complice des assassinats. En
juillet
1975, la
réunion
Appolo-Soyouz
met en scène - mais pour de vrai - le HP 65, ce qui
contribua
à conférer à cet objet une part de
surnaturel.
Le travelling montre
l'objet dans un
gros plan inaccessible au commun des mortels. D'abord parce qu'il est
cher, ensuite parce qu'il est incompréhensible. En 1975, la
plupart des gens ignoraient la traduction de ON/OFF. Ici, les touches
aussi ésotériques que STO, RCL, CHS, RTN, GTO,
LBL, SST,
etc. posent l'objet devant l'inconnu. Cet objet technique est
perçu comme un objet surnaturel.
Fred va utiliser une
carte
magnétique pré-programmée qu'il va
introduire dans
la machine. Sur la séquence on peut voir qu'il s'agit d'une
carte provenant d'une bibliothèque de programmes.
L'étui
rigide correspond bien à ceux livrés par
Hewlett-Packard.
Notons qu'à aucun moment, la calculatrice n'est
branchée
sur son cordon adaptateur. Or, les batteries rechargeables
s'épuisent vite, et au bureau il est
préférable de
la relier à son alimentation externe. L'absence du cordon
renforce le côté portatif, miniature et
passe-partout de
l'objet.
Fred va inscrire le nom
de sa femme
sur une carte magnétique vierge, qui sera le nom du
programme du
calcul des risques majeurs. Ce gros plan est intéressant car
le
spectateur découvre les possibilités de la
machine petit
à petit. Dans le plan suivant, on peut voir - en faisant un
arrêt sur image - qu'il ne s'agit plus de la même
carte.
Ce gros plan met en
évidence
l'utilisation du mode programme. Le curseur à droite est en
position W/PRGM et celui de gauche en position ON. Le code 33
correspond à la touche STO (strorage). Les fonctions label A
et
B sont respectivements utilisées pour l'enregistrement des
activités de Gloria en ce qui concerne la TV
(télévision) et les BAINS, deux passes temps que
Gloria
affectionne.
Fred est ici en train
d'insérer une carte pré-programmée. La
couleur
noire de la carte et sa forme à pan coupé permet
d'en
être sûr. Lorsque le réalisateur fait
des gros plans
sur la machine, l'acteur appuie au hasard sur les touches, la
calculatrice étant en mode PRGM (programme). Cet effet
permet
d'avoir un affichage ésotérique qui rend plus
flou le
travail de Fred.
Les lecteurs pourront soit visionner le film, que l'on ne trouve qu'en
cassette VHS, ou lire le livre. L'histoire dans le film est assez
fidèle au livre, hotmis la dernière
séquence
où l'on peut voir Fred face à sa psychiatre dans
une
maison de repos. Toujours la calculatrice en mains, Fred enregistre les
éléments qui lui premettront de "programmer"
l'accident
de la voiture du psychiatre. Là, Gérard
Pirès nous
offre un clin d'oeil au côté irréel de
l'utilisation de la machine. Si l'on a pu croire que la calculatrice
aidait au calcul des risques majeurs, ici, cela tourne à la
farce.
La séquence
montre un
très gros plan sur l'affichage où l'on peut voir
un
compte à rebours. Ici, le 0,06 est certainement plus
esthétique qu'un simple 6, les deux zéros
renforcent la
perception des chiffres qui prennent place sur l'écran. Sur
le
HP 65, il n'est pas possible de faire s'afficher automatiquement un
décompte car la machine ne possède pas de touche
PAUSE,
que l'on trouve sur le HP 25, sortie en 1975. Il faut par
conséquent une intervention humaine, en appuyant par exemple
sur
la touche R/S (RUN/STOP).