L'ordinateur des pompes funèbres, 1973

de

Walter Kempley (traduit par Marie-France Watkins, éd. Gallimard. Titre original The Probability Factor)



Adaptation du livre par Gérard Pirès

dans

L'ordinateur des pompes funèbres, 1976


En 1978, André Warusfel et ses deux compagnons, Didier Guérin et Pierre Vaschalde, écrit dans l'introduction du livre Le calculateur programmable de poche et ses jeux (Hachette, 1978), "un film a même montré un ingénieur programmant l'élimination sans risques de sa femme sur un HP 65". Ce film n'est autre que l'ordinateur des pompes funèbres, de Gérard Pirès, dont il sera question ci-après.

L'arrivée d'un objet technique de pointe, le micro-calculateur HP 65, en 1974, va renforcer l'impression du pouvoir de la machine sur l'homme grâce ici à la miniaturisation. Dans ce film, le progrès technique est montré dans la foulée de la sortie de la calculatrice programmable. Une aubaine pour Gérard Pirès qui utilise cet objet pour renforcer son propos. Car dans l'ouvrage de Walter Kempley, écrit à la fin des années 1960, il n'est pas question de calculatrice de poche, mais de l'arrivée de l'ordinateur dans l'entreprise. A cette époque, l'informatique perce et avec elle toute l'incertitude de ces capacités réelles. Ici, se mêle l'imaginaire de l'objet technique dépassant l'homme pour produire un effet de quasi science fiction.

L'observation des séquences d'images laisse entrevoir le côté improvisé de l'utilisation de la machine. En générique de fin, l'auteur n'oublie pas de remercie Hewlett-Packard France pour son aide précieuse. Nous pouvons penser qu'il s'agit d'un film promotionnel pour Hewlett-Packard. Car cette calculatrice (calculateur à l'époque) sera une véritable vedette aux côtés d'acteurs pourtant célèbres. Jean-Louis Trintignant est l'acteur principal jouant le rôle de Fred, un informaticien travaillant dans une entreprise d'assurances. Contre toute attente, il met en avant les "nouveaux" pouvoir de l'ordinateur et les capacités de l'analyse statistique dans la prévision des décès en fonction d'un certain nombre de facteurs agravants comme le tabac, l'alcool, etc. Fred va se servir de l'informatique et de sa calculatrice programmable pour effectuer in situ des relevés qu'il incorpore dans sa machine.

On peut voir le HP 65 de nombreuses fois aux côtés de l'acteur, dans ses mains ou sur son bureau. Le générique utilise lui-même l'écran d'affichage du HP 65.

 HP 65

Les premières images mettent en scène la calculatrice. Ci-dessus, le nom du producteur Raymond Danon apparaît sur fond noir, seul l'affichage rouge du HP 65 tourne visiblement sur un programme ou exécute une fonction. Après une dizaine de minutes, Fred trouve la solution pour se débarrasser de son impossible femme. Au cours d'une réunion, il découvre le moyen d'améliorer les chances de décès grâce à l'analyse des facteurs à risque. Le lendemain, il entre dans son bureau et demande à sa secrétaire : où est mon HP 65 ? Celle-ci ouvre le tiroir de son bureau et l'on peut voir un travelling en gros plan sur la machine.

hp65


Notons qu'en 1976, c'est la première fois que la calculatrice HP 65 apparaît sur l'écran. Beaucoup de personne ignorent même son existence et découvrent enfin l'objet complice des assassinats. En juillet 1975, la réunion Appolo-Soyouz met en scène - mais pour de vrai - le HP 65, ce qui contribua à conférer à cet objet une part de surnaturel.

hp65

Le travelling montre l'objet dans un gros plan inaccessible au commun des mortels. D'abord parce qu'il est cher, ensuite parce qu'il est incompréhensible. En 1975, la plupart des gens ignoraient la traduction de ON/OFF. Ici, les touches aussi ésotériques que STO, RCL, CHS, RTN, GTO, LBL, SST, etc. posent l'objet devant l'inconnu. Cet objet technique est perçu comme un objet surnaturel.

hp65

Fred va utiliser une carte magnétique pré-programmée qu'il va introduire dans la machine. Sur la séquence on peut voir qu'il s'agit d'une carte provenant d'une bibliothèque de programmes. L'étui rigide correspond bien à ceux livrés par Hewlett-Packard. Notons qu'à aucun moment, la calculatrice n'est branchée sur son cordon adaptateur. Or, les batteries rechargeables s'épuisent vite, et au bureau il est préférable de la relier à son alimentation externe. L'absence du cordon renforce le côté portatif, miniature et passe-partout de l'objet.

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Fred va inscrire le nom de sa femme sur une carte magnétique vierge, qui sera le nom du programme du calcul des risques majeurs. Ce gros plan est intéressant car le spectateur découvre les possibilités de la machine petit à petit. Dans le plan suivant, on peut voir - en faisant un arrêt sur image - qu'il ne s'agit plus de la même carte.

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Ce gros plan met en évidence l'utilisation du mode programme. Le curseur à droite est en position W/PRGM et celui de gauche en position ON. Le code 33 correspond à la touche STO (strorage). Les fonctions label A et B sont respectivements utilisées pour l'enregistrement des activités de Gloria en ce qui concerne la TV (télévision) et les BAINS, deux passes temps que Gloria affectionne.

hp65

Fred est ici en train d'insérer une carte pré-programmée. La couleur noire de la carte et sa forme à pan coupé permet d'en être sûr. Lorsque le réalisateur fait des gros plans sur la machine, l'acteur appuie au hasard sur les touches, la calculatrice étant en mode PRGM (programme). Cet effet permet d'avoir un affichage ésotérique qui rend plus flou le travail de Fred.

Les lecteurs pourront soit visionner le film, que l'on ne trouve qu'en cassette VHS, ou lire le livre. L'histoire dans le film est assez fidèle au livre, hotmis la dernière séquence où l'on peut voir Fred face à sa psychiatre dans une maison de repos. Toujours la calculatrice en mains, Fred enregistre les éléments qui lui premettront de "programmer" l'accident de la voiture du psychiatre. Là, Gérard Pirès nous offre un clin d'oeil au côté irréel de l'utilisation de la machine. Si l'on a pu croire que la calculatrice aidait au calcul des risques majeurs, ici, cela tourne à la farce.

hp65

La séquence montre un très gros plan sur l'affichage où l'on peut voir un compte à rebours. Ici, le 0,06 est certainement plus esthétique qu'un simple 6, les deux zéros renforcent la perception des chiffres qui prennent place sur l'écran. Sur le HP 65, il n'est pas possible de faire s'afficher automatiquement un décompte car la machine ne possède pas de touche PAUSE, que l'on trouve sur le HP 25, sortie en 1975. Il faut par conséquent une intervention humaine, en appuyant par exemple sur la touche R/S (RUN/STOP).